Maltraitances au travail à Actu.fr : il est plus qu’urgent d’agir

Une grande partie de la réunion du CSE, ce jeudi 6 juillet 2022, a été consacrée à la restitution du rapport d’alerte “risque grave” du cabinet Acante, qui a donné lieu à l’écriture d’un avis sévère de la part des élus du CSE.

Ce rapport d’experts lancé par les élus au CSE met en lumière les difficultés rencontrées par les journalistes des verticales Actu.fr, souvent débutants et laissés à eux-mêmes. Il constate une charge de travail trop élevée, un manque d’encadrement et de reconnaissance de ces salariés, un manque de moyens matériels et une pression très forte sur l’audience des sites, ce qui entraîne des situations de souffrance au travail.

Les alertes, démissions et arrêts de travail qui se succèdent ont donc conduit les élus à tirer la sonnette d’alarme. Voici l’avis émis sur ce rapport en intégralité :

Les élus du CSE de Publihebdos prennent connaissance avec consternation du rapport d’expertise risques graves du cabinet Acante sur les conditions de travail des salariés des rédactions verticales d’Actu.fr et enjoignent la direction à prendre sans délai les mesures d’organisation pour permettre de se remettre en conformité avec la loi et faire cesser les dysfonctionnements qui mettent en danger la santé physique et morale de ces salariés.

Si les élus du CSE ont régulièrement alerté la direction sur des cas de souffrance au travail au cours des années passées, ce rapport vient confirmer et appuyer les remontées de terrain, restées jusqu’alors inaudibles.

Choqués mais pas surpris, nous sommes cependant inquiets d’une organisation qui broie de jeunes journalistes dès leur entrée sur le marché du travail et peut avoir un impact fort sur leurs vies et leurs carrières. Pour beaucoup, le salut est dans la fuite. Certains quittent et quitteront le métier à l’issue de cette expérience.

Ce focus sur les verticales d’Actu est hélas symptomatique d’une désorganisation organisée de Publihebdos, mise en place dans tous les services, papier et web, pour pressuriser au maximun les salariés.

Nous demandons la mise en place, dès la rentrée de septembre 2022, d’un groupe de travail paritaire pour apporter des réponses concrètes aux différents points évoqués par le rapport, en priorité :

  • Le renfort des effectifs de ces verticales pour ne plus que les journalistes soient seuls et isolés
  • La mise en place d’un management efficient de réelle proximité
  • La définition d’une ligne éditoriale claire
  • L’écriture de fiches de postes
  • L’arrêt de la précarité et l’abus de CDD d’usage, interdit dans la presse écrite, cause pour laquelle Publihebdos a déjà été condamnée en novembre 2018
  • L’arrêt de la diffusion des audiences en temps réel qui fait pression sur les salariés
  • La mise à disposition de moyens matériels permettant le bon exercice du métier
  • La création d’un poste de responsable du système de prévention au sein des RH
  • Une information obligatoire du CSE en amont des créations de nouvelles verticales
  • La mise en conformité avec les obligations de la médecine de travail.

Les élus du CSE se disent également extrêmement préoccupés par la dénonciation de faits de harcèlement sexuel et sexiste et demandent à la direction d’investiguer sans délai sur ces cas et de prendre des sanctions afin de mettre le(s) auteur(s) hors d’état de nuire ; ils rappellent qu’une élue du CSE est référente « harcèlement sexuel et sexiste » au sein de l’entreprise. Il s’agit de Marion Vallée.

Télécharger ici la version PDF de l’avis des élus du CSE

La réponse de la direction

La direction trouve que globalement, le cabinet a bien cerné la façon dont fonctionnent les pure-players :  « j’y ai retrouvé à peu près ce qu’on avait déjà identifié et qui a fait l’objet de débats en CSE et avec les différents managers. Cela a donné lieu à des travaux encore en cours », a expliqué Francis Gaunand.

Dans sa réponse, le PDG de Publihebdos a rappelé le contexte d’ouverture de ces verticales d’Actu.fr, sur des zones ou les titres du groupe ne sont pas présents « avec jeunes journalistes juniors et le plus souvent dans une situation isolée. » Et de développer :  « On a avancé sur certaines verticales, Lyon va vers fonctionnement plus serein, plus en lien avec le fonctionnement des anciennes verticales. Il faut rappeler que nouvelles verticales lancées ces deux dernières années l’ont été dans la période des confinements, avec des difficultés pour mettre en place une organisation, du lien social, etc. »

Pour lui, le contexte économique de ces créations n’apparait pas non plus dans le rapport : « Il s’agit d’un développement indispensable pour l’entreprise, pour garder les moyens de continuer de faire paraître nos publications, en lien avec les opportunités sur les annonces légales numériques. On l’a fait par rapport à une stratégie, avec une certaine réussite et c’est important de le dire. ».

La direction confirme cependant travailler sur le renforcement du management de proximité. Mais insiste sur le fait que « le métier de journaliste est aussi un métier de liberté » : « la particularité de Publihebdos est que les journalistes exercent en toute liberté. C’est plus facile pour des journalistes expérimentés que pour des journalistes juniors, mais c’est intrinsèque au métier tel qu’on le conçoit. On n’aime pas parler de ligne éditorial, on parle plutôt de projet éditorial. Ce projet est concrétisé par le collectif des journalistes, mais il y a sans doute plus à faire, puisqu’il y a des attentes sur ce sujet de la part des jeunes journalistes. »

La direction justifie aussi ses exigences sur l’audience : « Il y a une pression sur l’audience comme il y avait une pression sur les ventes des journaux papier ou sur l’audimat dans l’audiovisuel. Cette pression existe, on va essayer de manager vers la qualité et moins vers la quantité, mais la pression existera toujours. »

Et de conclure : « Il faut bien avoir en tête qu’avec ces verticales, on est dans une organisation nouvelle, liée à des conquêtes, avec des opportunités, dans le cadre d’un projet global unique. Créer une plate-forme multimarques et s’installer un peu partout en France, cela n’a jamais été fait. Au fur et à mesure, on avance, on affine notre organisation pour plus de sérénité dans le fonctionnement. Nécessairement cette organisation a amené un certain nombre de difficultés que l’on s’emploie à résoudre. »